Depuis la création de ce blog j’ai très envie de vous parler de portage. Jusqu’ici je n’avais pas trouvé quoi vous dire qui ne soit pas redondant avec ce qu’on peut déjà trouver mille fois sur internet.
Il y a quelques temps, j’ai eu la joie d’animer une journée de formation annuelle de monitrices de portage,et donc d’échanger sur l’ostéopathie, le portage, le maternage proximal, la motricité libre et le lien entre tous ces éléments. Cette journée m’a permis d’être plus au clair sur les messages que je souhaitais vraiment faire passer.
Pourquoi porter son enfant
Aujourd’hui choisir de porter son enfant n’est plus un acte marginal. De nombreux parents de tous horizons se tournent vers cette solution pour diverses raisons, praticité, contact proche avec l’enfant, respect de sa physiologie, sentiment de sécurité…
Si je devais lister quelques gros avantages à porter son enfant je dirais que :
- C’est pratique ! Que le terrain soit caillouteux, étroit, avec des marches… vous pouvez y aller avec un bébé porté.
- C’est très pratique ! En portant son enfant on a les mains libres, on peut donc porter des choses, répondre au téléphone, tenir la main de l’aîné, mais aussi faire le ménage ou préparer le repas.
- C’est sécurisant. Bébé est tout contre soi, on peut prendre les transports ou traverser une foule sans avoir peur que quelqu’un ne bouscule la poussette, bébé n’est pas non plus à hauteur des pots d’échappements.
- Ça régule sa température. En hiver on habille l’enfant d’un simple pyjama (pas trop serré le pyjama pour ne pas tirer sur ses pieds en position jambes repliées) et on met un manteau large par dessus le couple porteur-porté. En été un petit body suffira, en veillant à faire des nouages pas trop couvrants, surtout si vous habitez dans le sud.
- Le portage participe au lien mère-enfant (ou père-enfant) : la proximité entre les deux aide au sentiment de sécurité de l’enfant, ainsi qu’à la création d’un lien parent-enfant fort.
- Le portage permet à l’enfant d’être dans la position la plus physiologique pour lui, ce qui lui permet détente et relâchement, tout en restant actif dans sa posture.
- C’est très agréable ! Sentir son petit s’endormir contre soi, « à hauteur de bisou » ça fait plein de beaux souvenirs.
On parle beaucoup de la position physiologique. Mais savez-vous de quoi on parle au juste ?
On appelle cette position, position physiologique, parce que c’est celle qui respecte le mieux la courbure naturelle de l’enfant. C’est une position que va prendre naturellement le petit pour peu qu’on lui procure les bons appuis.
On le voit sur ces photos, en offrant un appui sous les fesses du bébé, à la base de la colonne, il prend de lui-même la position physiologique, la même que lorsqu’il est porté en écharpe.
A la naissance, le bébé a le dos totalement arrondi, on dit qu’il est en cyphose complète, en forme de C. C’est la position qu’il avait dans l’utérus de sa mère, position qu’il a gardé de longs mois. Cette position est adaptée à l’anatomie du nouveau-né. Elle permet de diminuer la pression verticale dans le rachis et sur les disques inter-vertébraux. En effet un tout petit a une musculature très faible qui ne permet pas de faire opposition aux forces de la gravité. Il est donc très mauvais pour lui de porter le poids de son corps en vertical, comme c’est malheureusement le cas avec une grande partie des porte-bébés non physiologiques mis sur le marché.
Cette position de portage va évoluer au fur et à mesure du développement de l’enfant. En apprenant à tenir sa tête, la courbure cervicale va se creuser (on appelle lordose cette courbure dans le sens inverse). En travaillant les retournements et la position quatre pattes, la cyphose dorsale diminue. En découvrant la verticalité et la position debout, on note l’apparition de la lordose lombaire. Ainsi, en grandissant, la position de portage va évoluer elle aussi, moins en enroulement, moins près du corps du porteur pour laisser une certaine liberté de mouvement au petit porté.
On voit cette évolution sur cet extrait de « Se mouvoir en liberté dès le premier âge » d’Emmi Pikler.
E. Pikler est, je le rappelle, la mère de la motricité libre dont j’explique les principes ici.
Dans la première image le bébé est encore en cyphose complète. La courbure cervicale va se créer dans l’action de relever sa tête (image 3). La courbure dorsale diminue lorsque l’enfant redresse son torse et passe en position quatre-pattes (images 6 à 9). La lordose lombaire apparaît lors de la position debout (à partir de l’image 18).
Plus l’enfant est jeune, plus c’est important de prendre le temps de l’installer correctement. Contrairement à un plus grand, le nouveau né n’ayant quasiment pas de force musculaire, il ne pourra pas compenser une position inadéquate ou inconfortable.
Pour obtenir un arrondi du dos du bébé le plus harmonieux possible, il faut lui faire basculer son bassin, le mettre en position accroupi. Il doit reposer sur ses fesses et ses cuisses, pas sur son entre-jambes. Ses jambes vont être pliées, genoux plus hauts que les fesses, jambes écartées naturellement, c’est-à-dire peu à la naissance, et de plus en plus au fur et à mesure de sa croissance (on ne force jamais sur l’ouverture des hanches).
Cette position est également bénéfique pour la formation de l’articulation de la hanche. En effet, celle-ci se compose de la tête fémorale, ronde, et du cotyle, surface articulaire légèrement creuse en début de vie. C’est la pression de la tête fémorale dans le cotyle qui va au fur et à mesure des années creuser de plus en plus cette cavité, ce qui la rendra de plus en plus stable (c’est logique, une balle tiendra de manière plus stable dans un bol que dans une assiette creuse). Ce processus sera considéré comme terminé autour d’une dizaine d’années. Mettre un bébé dans un porte-bébé non physiologique ou sur le dos dans un transat, cosy ou poussette ne permet pas à la tête fémorale d’exercer une pression sur le cotyle, d’où l’intérêt de ne pas abuser de ces objets. A l’inverse, en position accroupie, cette pression ira dans la bonne direction et contribuera à la formation correcte de cette articulation.
Enfin la position physiologique et donc le portage, font partie de l’arsenal recommandé en prévention de la plagiocéphalie (syndrome de la tête plate chez le nourrisson). En effet le fait de ne pas avoir la tête posée sur un support dur au moins quelques heures par jour diminue les risques de voir arriver un méplat crânien. Je parlerai plus spécifiquement de la plagiocéphalie dans un prochain article.
Ok, c’est une bonne position pour l’enfant, mais n’est-ce pas fatiguant de porter son bébé ?
Avoir un enfant est fatiguant ! Donc oui porter un enfant peut l’être aussi, tout comme pousser une poussette ! Ce qu’il faut savoir c’est que le portage physiologique permet à l’enfant d’être au plus proche du porteur, ce qui permet que celui-ci n’ait pas son centre de gravité trop décalé, et donc ait moins d’efforts à faire pour maintenir une position verticale confortable.
J’ai envie de faire un petit aparté sur la jeune maman porteuse. Le cas de la jeune maman est particulier dans le sens où son corps est moins musclé et fragilisé par la grossesse et l’accouchement. Elle a, entre autre, son périnée qui est relâché et moins tendu qu’avant, et ce jusqu’à la fin de sa rééducation périnéale, ainsi qu’une sangle abdominale quasi-inexistante. Pendant ce laps de temps, il y a 2 choses à appliquer pour porter en toute sérénité :
- Se respecter : c’est-à-dire ne pas surestimer ses forces, arrêter de porter quand on sent que son corps commence à fatiguer, ne pas vouloir trop en faire (à la maison ou avec les aînés). Ce conseil n’est pas valable que pour le portage d’ailleurs !
- Porter avec des nouages adaptés : l’idée est d’éviter d’exercer une trop forte pression abdominale qui pousserait les viscères contre le périnée. On parle beaucoup dans ce cas des nouages kangourou qui n’utilisent pas de serrage abdominale et qui ne plaquent pas le bébé contre le porteur. On peut aussi utiliser quantité d’autres nouages en veillant toujours à porter bébé assez haut et à faire le nœud final très bas sur les hanches, toujours dans la même idée de ne pas peser sur l’abdomen. Enfin on peut aussi porter son tout-petit sur le côté, avec un sling ou une écharpe courte, on veillera dans ce cas à varier le côté de portage.
Super ! Je cours m’acheter un moyen de portage ! Mais lequel ?
Le choix est grand, voici une petite liste de ce qui existe :
– écharpe de portage tissée : existe en plusieurs tailles, permet de porter sur le ventre, le dos et le côté, permet de réaliser une grande variété de nouages différents, utilisable de la naissance à… ce que votre endurance de porteur peut tolérer!
– écharpe de portage tricotée : écharpe en tissu « stretch », permet également de porter dans toutes les positions, moins évidente à utiliser à partir d’un certain poids surtout à cause de l’effet « rebond » causé par la matière élastique, tient chaud en été (parce qu’il est nécessaire de porter avec 2 ou 3 épaisseurs d’écharpe tricotée sur le corps de l’enfant) mais très agréable à porter, confortable comme un tee-shirt.
– sling : c’est une bande de tissu qu’on ajuste sur soi « en bandoulière » en bloquant le tissu dans des anneaux. L’enfant est porté en asymétrique sur une seule épaule. Le sling peut s’utiliser dès la naissance, il permet de porter son enfant sans avoir à faire de nouages, mais le portage asymétrique peut devenir fatiguant avec un enfant qui prend du poids.
– rebozo ou pagne africain : tissu plus court permettant quelques nouages spécifiques.
– mei-tai : porte-bébé chinois, composé d’un tablier (carré de tissu qui sert d’assise et de dossier à l’enfant) et de 4 lanières à nouer. Offre moins de possibilité qu’une écharpe mais les nouages sont simples à effectuer. Attention tous ne sont pas adaptés à tous les âges de bébé, se renseigner avant achat.
– préformés ou porte-bébés physiologiques : porte-bébé composé d’un tablier et de lanières à clipser. Ce sont les plus simples d’utilisation, ils allient la position physiologique à une grande facilité d’usage. Attention ils ne sont pas conseillés pour les nouveau-nés, attendre au moins les 6 mois de l’enfant.
– les moyens de portage d’appoint : à utiliser avec les plus grands pour être portés quelques instants, ils ne prennent pas de place dans un sac et permettent de porter les bambins pas toujours très endurants.
Mais comment faire son choix ? Tous ces moyens de portage apportent des sensations différentes et ne conviennent pas à tout le monde. Entre 2 préformés, entre une écharpe et un sling, on peut être très à l’aise avec l’un et pas du tout avec l’autre. D’autre part il n’est pas toujours évident de bien les utiliser tout seul.
Plaidoyer pour les ateliers de portage :
Il existe forcément dans votre région des ateliers de portage. Ils sont animés par des monitrices certifiées, se font en groupe ou en individuel.
Ces ateliers permettent de tester différents types de moyens de portage, d’être guidés dans leur mise en place et de comprendre les grands principes du portage, y compris le portage à bras qui est à la base de la relation avec un nouveau-né.
J’ai moi-même porté mon enfant sans faire d’atelier, en m’inspirant des vidéos trouvées sur internet et en lisant livres et modes d’emploi. Résultat : en cherchant à illustrer cet article je n’ai pas trouvé une seule photo de nous portant notre enfant avec un nouage vraiment correct ! On voit bien que l’écharpe ne soutient pas parfaitement la colonne de mon bébé, que ses jambes ne sont pas suffisamment repliées et que pour tout dire, il ne semble pas complètement à l’aise physiquement dedans. Bien sûr ça s’est amélioré avec le temps, mais apprendre des bases correctes avec une monitrice qualifiée nous aurait fait gagner en temps et en confort.
Un atelier devrait à mon sens être proposé à tous les futurs parents s’ils souhaitent porter. C’est d’autant plus vrai lors de situations particulières, les monitrices sauront s’adapter à toutes les configurations, jumeaux, parents ou enfant handicapés, douleurs de dos, d’épaule, côté préférentiel, appréhension du portage, portage de l’aîné et nouvelle grossesse, etc…
En fin d’article vous trouverez un lien vers le blog d’une maman, qui nous livre son expérience du portage de son enfant souffrant d’un RGO (reflux gastro-œsophagien, le plus souvent bénin mais douloureux et difficile à vivre pour le bébé et ses parents). Très vite elle nous explique que la théorie de la position physiologique ne convient pas du tout à son cas, qu’elle a dû adapter le portage à la spécificité de son enfant, afin qu’il puisse devenir une aide dans leurs vies.
En allant voir une monitrice vous pourrez avoir ce genre de conseils, personnalisés, adaptés à ce que vous vivez, chose que vous n’aurez pas en regardant des vidéos ou en lisant de la documentation (qui peuvent bien sûr servir en complément).
Enfin la plupart des associations et monitrices de portage possèdent un stock de moyens de portage disponibles à la location pour une somme modique. Vous pourrez ainsi tester tranquillement ceux qui vous tentent avant de vous décider à investir.
Quel lien avec l’ostéopathie finalement ?
En dehors du simple fait que tout ce qui peut améliorer le confort et l’état de santé m’intéresse, je travaille en lien étroit avec les parents porteurs et les professionnels du portage.
Il m’arrive régulièrement de proposer du portage à des parents que je rencontre en consultation, pour diverses raisons déjà évoquées, diminution des risques de plagiocéphalie, amélioration du confort en cas de RGO, diminution des risques de dysplasie de hanche. Comme déjà évoqué dans l’article sur la motricité libre, l’ostéopathe n’est rien sans une démarche active du patient dans sa vie quotidienne, le portage fait partie des possibilités à sa disposition.
Il m’est également possible d’échanger sur les positions utilisées et de proposer d’adapter celles-ci à la problématique de l’enfant ou du parent qui vient en consultation. Je peux bien sûr conseiller un atelier de portage pour aller plus loin dans cette démarche.
A l’inverse, le fait de porter son enfant peut montrer des signes d’alerte, amenant à consulter pédiatre et/ou ostéopathe. Par exemple un enfant qui se positionne toujours du même côté (soit la tête tournée soit tout le corps en virgule), un autre très tendu, difficile voir impossible à mettre en position physiologique. Tous ces signes peuvent être détectés par les parents ou lors d’un atelier par une monitrice. Une prise en charge rapide permettra d’améliorer le bien-être de l’enfant, mais aussi de faciliter le portage.
Enfin si le portage est inconfortable voir douloureux pour le porteur, une consultation d’ostéopathie peut s’imposer pour continuer à porter dans de bonnes conditions.
Un point ou une barre douloureux(se) dans le dos ou l’épaule, une trop grande sensation d’oppression avec un nouage sur la poitrine, des points de côté sous les côtes. Tous ces désagréments pouvant apparaître en portant son enfant méritent de faire le point avec son ostéopathe, porter nécessite d’être dans les meilleurs conditions physiques possibles.
Vous l’aurez compris, je suis professionnellement et personnellement conquise par le portage. Même s’il ne convient peut être pas à tous les parents, si vous voulez vous lancer, n’hésitez pas, vous n’avez que des bonnes raisons !
Liens utiles :
Portage en partage : association de monitrices de portage à Montpellier et alentours, vous y trouverez des moyens de portage en location, des ateliers de groupe ainsi que des ateliers individuels.
Porter son enfant : informations sur le portage des bébés
Bébé se porte bien : site d’une monitrice de portage qui propose de nombreuses vidéos de mise en place de moyen de portage ainsi que des articles et des tests sur le portage.
Juste1truc/ Le portage d’un bébé RGO en vrai : voici l’article d’une maman expliquant les difficultés et les adaptations auxquelles elle a dû faire face pour porter son enfant ayant un reflux gastro-œsophagien.
Association plagiocéphalie info et soutien : cette association propose des articles sur le traitement mais aussi sur la détection et la prévention de la plagiocéphalie. Vous retrouverez donc un article spécifique sur le portage, ainsi que des plaquettes d’information téléchargeables (n’hésitez pas à les mettre à disposition si vous travaillez en contact avec des tout petits).
Remerciements et crédit photo :
Mille merci à ces supers parents porteurs qui m’ont autorisé à publier leurs photos pour illustrer cet article. En espérant n’oublier personne, merci Sophie, Colin, Capucine et Nils, Chloé, Hamid, Noam et Iris, Gwendoline, Jeremy, Mélie et Soan.
Merci à Lucie Espinasse Photographe – Catch Alive, pour me permettre d’utiliser ses photos qui illustrent si bien la position physiologique.
Merci à Portage en Partage et tout particulièrement à Sophie pour m’avoir poussée à animer une journée en leur compagnie, journée très enrichissante en plus d’avoir été un bon moment !
[…] Le portage physiologique et le portage à bras vont permettre d’apporter un soutien physique (soutien par la base de l’enfant) et psychique (réassurance d’avoir son parent à son contact), tout en créant une posture qui permet à l’enfant de travailler sa motricité à son niveau, bouger sa tête, la redresser, s’aggriper, tenir le buste…, sans la bloquer comme c’est le cas en portant un petit sous les bras. […]